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25 juin 2008 3 25 /06 /juin /2008 09:37

Vous avez vu ses premiers dessins pour la journée de retraite, vous avez aimé ?
Il y en a plein d'autres à dévorer,
le sourire aux lèvres et les larmes au bord des yeux...

Le blog de Sabine est un nouveau lien,
en bas à droite de l'écran.

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20 juin 2008 5 20 /06 /juin /2008 07:17

Un échange au nom de l’Evangile


Paul : En fait le mur que tu disais noir, il est bleu, bleu nuit.

Mick : Oui, c’est la seule couleur de cimaise, utilisée pour une salle intitulée « Malgré la nuit » On est bien au sommet. Superbe !

- A t’entendre on croirait que cette exposition a été réalisée par des chrétiens !

- Non, mais lorsqu’il a institué le conseil pontifical de la culture, Jean-Paul II a déclaré qu’il voulait « aider l’Eglise à vivre l’échange salvifique où l’inculturation de l’Evangile va de pair avec l’évangélisation des cultures. » (Discours du 14 mars 1997) Dans cette exposition il est nécessaire de vivre un échange, et c’est cet échange qui est salvifique. Echanger c’est recevoir et donner. Pour échanger il nous faut entrer dans le langage de notre époque, en particulier dans la création artistique, déconcertante, déroutante : l’inculturation de l’Evangile est nécessaire au dialogue salvifique. S’il n’y a pas d’échange, il n’y a pas de dialogue, et il n’y a pas de salut. Alors pour donner le trésor du Mystère chrétien à la culture contemporaine, il y a à recevoir les trésors de cette culture, à commencer par son âme : l’art.

- Moi, je me réjouis d’abord que la méticuleuse laïcité française, parfois tentée par un intégrisme laïciste, se laisse ici questionner par les traces du sacré. Ça faisait longtemps. Mais la figure tutélaire de cette exposition c’est Nietzsche, pas le Christ !

- Et alors ?! la mort d’un dieu qui tirerait les ficelles de l’histoire comme un grand marionnettiste ne me paraît pas une mauvaise chose. Demandons-nous ce que nous recevons de la création artistique occidentale moderne et contemporaine ? Acceptons de nous laisser dérouter, toucher, déconcerter, brusquer, interroger, égratigner...

- Alors, il n’y a plus d’art chrétien ?

- Croire que le sacré nous appartient nous empêche de discerner l’action de l’Esprit du Christ répandu sur la multitude.

- N’empêche, ton expo…

- Ce n’est pas la mienne !

- Elle submerge. On étouffe, on manque de respiration, de pauses. Difficile de reprendre souffle, bref l’Esprit fait défaut. En plus, il y a trop d’œuvres mineures. Pire, elle met à égalité en les juxtaposant des chefs d’œuvre et de simples documents. C’est de l’ethnographie, pas de l’art !

- Il y a tout de même la petite « chapelle » pour l’oiseau de Brancusi. Magnifique !

- Mais le reste est lourd. Ce ne sont plus des « traces » mais des ornières, des fondrières du sacré. Vivement que le collège des Bernardins nous permette de savourer le souffle de l’Esprit Saint dans l’art vivant.

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16 juin 2008 1 16 /06 /juin /2008 09:20
« You say you want a revolution… » Quelle est ma place dans l'Histoire ? Qu'est-ce qui me permet de changer et qu'est-ce qui m'en empêche ? De quel côté est-ce que je me situe : du côté de ceux qui changent les choses ou de celui de ceux qui empêchent le changement ? Ce sont ces questions qui agitent le petit film "Half Nelson", terme de lutte qui désigne une prise qui immobilise tout à fait l'adversaire en l'écrasant. Dunne est un jeune prof de Brooklyn qui enseigne l'histoire à une classe de 4°. Quand il n'est pas à l'école, il fume du crack, couche avec tout ce qui bouge et vit dans un taudis. Disciple de la philosophie de l'Histoire de Hegel selon laquelle les événements se répètent tout en évoluant chaque fois, Dunne pose pourtant la question à l'une de ses conquêtes : "Je ne suis qu'un homme, qu'est-ce que je peux faire ?" Tout le film est pris depuis le point de vue de Dunne, c'est-à-dire à travers des images floues et instables, jamais posées, toujours mouvantes, comme l'eau d'Héraclite dans laquelle on ne se baigne jamais deux fois. Ainsi, on revient toujours plusieurs fois sur les lieux du film. La première scène nous fait entrer dans l'appartement dévasté et sale de ce professeur solitaire, écroulé sur son canapé. Et la dernière scène nous ramène dans cet appartement, rangé cette fois, et sur le canapé sont maintenant assises deux personnes. Pour une fois, ce n'est pas l'histoire d'un prof qui sauve des élèves en difficulté et a priori condamnés à une vie hors-la-loi, ni un réquisitoire contre la drogue. C'est un film assez modeste pour ne montrer que les choses telles qu'elles sont. Pas de résolution à la fin, impossible de dire si c'est une fin positive ou non, simplement, c'est un film qui nous laisse le choix. Les questions nous sont posées directement, nous aussi devenons les élèves de ce professeur qui en fait se pose les questions à lui-même en même temps qu'il enseigne à ses élèves. A noter, l'interprétation des deux rôles principaux, Ryan Gosling, un des acteurs les plus intéressants de la jeune génération américaine, et Shareeka Epps, actrice non professionnelle. Egalement remarquable, la finesse avec laquelle est traité le sujet de l'amitié entre un adulte et un enfant, qui plus est élève et professeur, question si délicate aux Etats-Unis. Voilà un petit film attachant parce que réalisé avec humilité et intelligence, loin du snobisme qu'on peut trouver dans la façon de filmer des productions indépendantes. 

Charlotte

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15 juin 2008 7 15 /06 /juin /2008 05:36

Un moment fort !
C'était mercredi dernier, au Centre spirituel des Carmes d'Avon.
Un peu pour terminer l'année.
Anne, Charlotte, Nathalie, Sabine, Julien avec Michel.
Un long temps de partage perso le matin :
Qu'est-ce qui est vraiment important pour moi en ce moment ?
Sur quoi je fonde mes décisions ?
Quelle place tient l'art dans ma vie ?
Qualité d'écoute, sincérité des échanges.
La simple joie de se connaître mieux.
La messe avec la communauté des Carmes pour rendre grâce.
Un bon déjeûner pas triste qu'on a plaisir à partager.
Une grande balade dans le parc du château de Fontainebleau.

(voir l'album photos)
Après,
Michel propose son bilan de l'année avec deux moments forts :
la solidarité et la fidélité dans la naissance d'une proposition aux Beaux-Arts,
la soirée d'invitation autour du "Regard au cinéma", heureuse et chaleureuse.
On était plus de deux ou trois réunis en Son nom : Il était au milieu de nous.
La lecture de l'Evangile des invités qui se dérobent (Luc, 14,15-24) parle aussi bien
de notre tristesse pour celles et ceux qui ne viennent plus
que du désir de Dieu de remplir joyeusement sa maison.
Chacun a proposé son bilan et parlé de ses projets.
Il y aura de la dispersionl'an prochain : rien n'est encore joué...
Nous avons quitté Avon par l'office de Vêpres,
alors que régnait le silence de l'oraison.
Le retour en train, lui, fut bruyant et hilare.
(voir le dessin de Sabine dans l'album photo)
La prochaine fois on commencera l'année par un temps comme celui-là !

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31 mai 2008 6 31 /05 /mai /2008 10:39

Traces du Sacré, centre et sommet

Picasso, Guernica (n'est pas dans l'exposition) détail


Paul : Fais-moi visiter ton expo.
Mick : D’abord, ses limites sont imprécises : commence-t-elle dans le hall d’entrée avec le moulin à prière démesuré de Huang Yong Ping ou dans les couloirs du sixième étage avec les pièces sonores de Valère Novarina ou de Christian Boltanski ? Est-ce la peinture murale de Mounir Fatmi qui marque l’entrée ou bien faut-il ne prendre en compte que l’antichambre de la première salle ?
- Ça commence bien !
- … et ça ne finit pas. Cette imprécision me réjouit et m’invite à chercher aussi des traces du sacré hors les murs des musées.
- Tu veux parler du pot doré de Raynaud, haut perché comme une idole ?
- Non, mais de ces œuvres d’art que tentent d’être les vies de nos frères humains.
- Waouh ! Tu parles comme un curé !
- Si tu réfléchis un peu, tu t’aperçois que la sortie et l’entrée du labyrinthe font se côtoyer – on ne peut s’en rendre compte qu’en sortant – deux spirales de néon roses inversées. La première, signée Bruce Nauman, date de 1967 ; elle contient son titre en néon bleuté : The true artist helps the world by revealing mystic truths. La dernière, signée Jonathan Monk, date de 2000 ; vide, elle s’intitule : Sentence removed (Emphasis remains)[1] Cette symétrie suppose un axe. Ajoutée à la forme « labyrinthe » une telle constatation fera chercher un centre, peut-être un sommet où tout bascule. Plusieurs réponses se complètent.
- Alors, ton centre ?
- Les cimaises uniformément gris clair deviennent parfois noires. Quant il ne s’agit pas seulement de faciliter une projection cette particularité attire l’attention sur deux espaces. Le premier, le seul semi-circulaire, occupe le centre topographique. Cette salle n°11 intitulée « Apocalypse I » correspond au milieu du parcours et, chronologiquement, à la première guerre mondiale. Entre deux triptyques, au centre, une statue de Wilhelm Lehmbruck, Der Gestürzte (1915) Un homme nu est tombé à « quatre pattes » : le sommet de sa tête, ses genoux et ses coudes touchent le sol. Au bout de sa main, un moignon d’épée brisée. Vingt ans plus tard, Picasso y fera s'épanouir une petite fleur au fondement, au centre de Guernica (1937). Si le « regardeur fait l’œuvre » ou du moins y contribue, mon regard de croyant chrétien ne peut s’empêcher de le voir en prière.
- Alors là tu te plantes et en même temps tu vas être récompensé. Jean de Loisy lui-même dit que le centre de l’expo c’est le Faust de Murnau et Him de Maurizio Cattelan. Et là tu as bien quelqu’un en prière !.. Bravo. Même Hitler priait comme un bon petit garçon. C'est utile, la prière.
- Ecoute, il y a le projet des commissaires et il y a l’exposition réalisée. A l’instar d’une œuvre elle leur échappe. Quant au centre de Jean de Loisy, il s’intitule "Apocalypse II" et je veux bien que l’Apocalypse se dédouble… Quant à l'utilité de la prière, on y reviendra. Mais je continue mon exploration de la salle noire centrale. A gauche trois tableaux carrés, celui du centre un peu plus grand, constituent un triptyque intitulé : « Trois chevaux, Apocalypse noire n°2 » (Bruno Perrament, 2006). Je n’identifie aucune figure parmi les traces blanches, évanescentes, qui éclairent à peine les ténèbres mais qui semblent désigner l’invisible. La référence biblique du titre confirme cette intuition. A droite, un triptyque souligné d’une quasi prédelle fait immanquablement penser au dispositif d’un retable : « Der Krieg » (1929) de Otto Dix. Chacun des tableaux m’évoque une étape de Chemin de Croix avec une sorte de Crucifixion au centre.
- Dans l’audioguide, la voix d’Angela Lampe assure qu’il n’y a là « aucun espoir de résurrection ».
- Il me semble au contraire que quelques indices peuvent induire une approche chrétienne de ces œuvres. La forme triptyque, l’allusion au retable et cet homme désarmé, à terre et humilié certes, mais aussi retourné (sturz) m’indiquent au moins la possibilité d’espérer un nouvel élan (sich stürzen), une résurrection. Apocalypse ne signifie désastre ou catastrophe qu’à ceux qui oublient son sens premier et biblique de révélation.
- Et alors, ce que t’appelles "le sommet" ?
- Une seconde salle noire concentre plusieurs œuvres elles-mêmes très noires. Elle s’intitule « Malgré la nuit », allusion directe au poème de Saint Jean de la Croix[2] et à la pièce que lui dédie Bill Viola (Room for St John of the Cross, 1983).
- Catherine Francblin rappelle « que les saints eux-mêmes sont souvent malmenés par les églises »[3] !
- Au contraire, on se réjouira que l’Eglise catholique reconnaisse la sainteté des mystiques, toujours gênants pour les institutions. Jusqu’à faire des Docteurs de toutes jeunes femmes comme Catherine de Sienne ou Thérèse de Lisieux ; de ceux qu’elle avait d’abord repoussés : Thomas d’Aquin avant Jean de la Croix.
- Incorrigible !
- Trois tableaux, Nada ! (1999) de Thierry de Cordier, Kreuz (1959) d’Arnulf Reiner, et le « noir et rouge sur noir sur rouge » de Mark Rothko (1964) entourent la « Tête » de verre et d’encre d’Emmanuel Saulnier (1992) Les verticales claires du rideau de perles de l’israélien Eli Petel (Might this thing be ?[4] 2007) répondent à celles des fumées de bâtonnets d’encens dans la vidéo de l’algérien Yazid Oulab projetée sur un écran courbe (Le souffle du récitant comme signe, 2001) Derrière cette cloison concave se situe une pièce à laquelle on peut accéder par deux portes : l’une noire, l’autre blanche. Lumière du jour soudaine ! Aveuglante. Les grandes baies vitrées immergent dans la réalité extérieure. On peut s’y asseoir et feuilleter le catalogue.
- Effectivement, on risque pas de le lire : 450 pages !
- On se retourne. Une œuvre de Jean-Michel Alberola recouvre tout le mur convexe : trois figures identifiées à leurs jambes, brouillées de taches noires sur fond argenté, portent l’inscription : « La sortie est à l’intérieur » (2008). Tragique, humour et mystique se côtoient. C’est la voie poétique de l’intériorité. L’art y apparaît comme l’échelle secrète permettant une véritable ascension spirituelle, une voie essentielle pour approcher le Mystère. [5] Nous sommes au sommet de l’exposition.
- Tu  vas me citer la lettre de Jean-Paul II aux artistes : « l'art est, par nature, une sorte d'appel au Mystère. Même lorsqu'il scrute les plus obscures profondeurs de l'âme ou les plus bouleversants aspects du mal, l'artiste se fait en quelque sorte la voix de l'attente universelle d'une rédemption. »
- Pas la peine, tu viens de le faire…

(à suivre)

 

TRACES DU SACRÉ
Centre Pompidou, Galerie 1, jusqu’au 11 août



[1]  D’abord « Le véritable artiste aide le monde en révélant des vérités mystiques, puis « Les mots se sont évanouis (l’emphase demeure) » Sur les cartels, tous les titres sont traduits : délicate attention. Les matériaux, hélas, ne sont jamais indiqués. Rien n’est parfait…

[2]  « Je sais la source qui jaillit et fuit malgré la nuit. Cette source éternelle est cachée, mais moi je sais où elle a sa demeure, malgré la nuit… » poésies complètes, traduction Bernard Sesé, Ibériques, José Corti, Paris, 1993, p.64.

[3] Francblin Catherine, Le sacré au travail, dans : Art Pres n° 345, mai 2008, p.48.

[4] L’expression se retrouve telle qu’elle au second Livre des Rois : «À supposer même que Yahvé fasse des fenêtres dans le ciel, cette parole se réaliserait-elle? » (2R.7,2.19)

[5] Cf. Loisy Jean de, Malgré la nuit, dans : Traces du sacré, catalogue de l’exposition, Centre Pompidou, Paris, 2008, p.308.

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27 mai 2008 2 27 /05 /mai /2008 07:15

Spirituelles "TRACES du SACRé" ?

"Ehi ehi sina sina" Huang Yong Ping, 2006


Paul : T’as vu ça ? Une expo qui s’intitule « Traces du sacré » où il n’est question que de la mort de Dieu ! Faut arrêter : y a rien de sacré là dedans ! Pire, c’est scandaleux de montrer des œuvres blasphématoires… Franchement, je m’attendais pas à ça !

Mick : Ah ouais ? Moi, je trouve que c’est une exposition intelligente, importante, avec des faiblesses, des choix un peu étonnants, mais une grande expo que les chrétiens se doivent de ne pas rater.
- M’enfin, il n’y a qu’une p’tite section qui s’appelle « L’art sacré » tout le reste n’a rien à voir avec la religion.
- Tu veux dire la religion catholique ?
- Ben… oui.
- Le sacré ne relève pas forcément des religions, a fortiori pas de la religion catholique. Au contraire, même. Soyons précis. En l’occurrence « l’art sacré » n’est sacré que par son contact plus ou moins étroit avec la liturgie des sacrements. Sans prétendre donner LA définition définitive d’une notion riche et ambiguë, le sacré c’est ce qui est séparé, réservé, interdit ; ce dont se distingue le profane (de pro-fanum = devant le temple). Dans la Bible, « sacré, ieros » n’apparaît que dans des noms propres ou pour désigner le Temple. Et dans le Temple, le plus sacré c’est le saint (agios), le saint des saints, la dernière pièce, le sanctuaire. Elle est séparée par un rideau et réservée au grand prêtre. Donc, sacrée.
- Et alors ?
- A la mort de Jésus, alors qu’il « livre l’esprit » le rideau de séparation entre le sacré et le profane, « le voile du sanctuaire se déchire en deux, de haut en bas » (Mt.27,50-51). Par sa mort et sa résurrection, il désacralise le temple de pierre pour lui substituer son corps ressuscité, c’est-à-dire nous, les vivants. Et son corps et sa vie, par l’eucharistie, il les donne en communion à ses disciples pour la multitude. Plus rien n’est sacré… sinon le cœur et l’âme de l’homme, ce ciel où Dieu réside.
- Mais c’est fondamental, le sentiment du sacré. Au contraire, par la messe, toute la création est sacrée aux yeux d’un chrétien !
- D’accord avec toi pour dire que tout peut conduire à Dieu, mais je n’adore pas la matière, j’adore « l’auteur de cette matière qui s’est fait matière pour moi, a pris domicile dans la matière et par la matière a accompli mon salut » comme le rappelle Fabrice Hadjadj en citant le Traité des images de Jean Damascène.
- Ah, t’as lu Art Press 2 ! T’as vu qu’ils l’ont appelé : « Le sacré, voilà l’ennemi ! »
- Ben, c’est cohérent avec leur conception d’un art subversif, qui bouscule les normes et combat toute idolâtrie. En ce sens, ma foi peut s’y retrouver mais, avec foi, c’est le « spirituel dans l’art » que je préfère chercher.
- Qu’est-ce que ça change ?
- Le spirituel renvoie, lui, à toutes les figures de l’Esprit Saint répandu sur la multitude : le souffle, l’air et l’espace, le feu et le vent, l’eau, la colombe, la légèreté, la liberté et l’amour, la sagesse… pourquoi pas les mots d’esprit. D’abord dans la relation que j’entretiens avec une œuvre, dans l’œuvre elle-même et puis dans l’artiste…
- Surtout s’il a le « feu sacré » !
- C’est un mot d’esprit ?
- Laisse tomber. Mais qu’est-ce que tu fais de ces pièces qui tournent ta foi en dérision ou qui veulent « en finir avec le jugement de Dieu » (Antonin Artaud) ?
- Je ne les aime pas. L’une ou l’autre me choque ou me blesse. Mais peu. « La messe pour un corps » de Journiac a mal vieilli et fait presque sourire. Le « Piss Christ » de Serrano dépasse à peine le niveau d’une publicité. Quant aux hurlements d’Artaud, je les respecte : il est de ceux qu’une morale étroite a poussé vers la folie.
- Mais on est en plein blasphème !
- Jésus lui-même a été condamné pour blasphème. « Alors le Grand Prêtre déchira ses tuniques et dit : «Qu'avons-nous encore besoin de témoins ? Vous avez entendu le blasphème; que vous en semble ?» Tous prononcèrent qu'il était passible de mort. Et quelques-uns se mirent à lui cracher au visage, à le gifler et à lui dire : «Fais le prophète!» Et les valets le bourrèrent de coups. » (Mc.14,63-65) Il est bafoué, j’ai envie de dire « encore et toujours » On le frappe, Juifs et Romains lui crachent dessus et le tournent en dérision (//Mc.15,19-20) Ce que Fra Angelico n’a pas manqué de donner en méditation à ses frères du couvent San Marco.
- On dirait que t'es content ?!
- Non. Mais d’une manière générale, ces quelques œuvres très datées ne sont pas gratuitement provocantes ; elles réagissent à la souffrance insondable liée aux deux guerres mondiales, à Auschwitz et à Hiroshima, en se retournant contre un dieu manipulateur dont l'Eglise a pu parfois donner l'image. Ce que montre bien la dimension historique de l’exposition. En revanche – si j’ose dire - les dernières salles me suggèrent que ce temps peut, malgré tout, être dépassé.
- Ah bon !? On n’a pas vu la même expo ou quoi ?!

(à suivre)

TRACES DU SACRÉ Centre Pompidou, Galerie 1, jusqu’au 11 août

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16 avril 2008 3 16 /04 /avril /2008 10:36
L’homme qui inventait l’art 3

Paul : Tu parlais du réemploi...
Mick : Il y a même des petites peintures achetées aux Puces” ou bien trouvées . Laissées pour compte.
- « La pierre qu’on rejeté les bâtisseurs est devenue pierre d’angle… »
- « …c'est là l'œuvre du Seigneur, une merveille à nos yeux » dit le Psaume.
- Et les évangiles y reconnaissent Jésus.
- Oui, on ne peut s’empêcher d’y penser. C’est fréquent – j’ai envie de dire : depuis Schwitters – mais Buraglio construit ainsi du nouveau en « tissant » des fragments anciens. Il n’y a plus de toiles blanches !
- Oui, oui. Tout est palimpseste. Encore un mot savant qu’affectionne l’art contemporain.
- Mais les fragments sont parfois tellement hétérogènes..! Des paquets de gauloises, des plaques émaillées, des tableaux et des rubans de masquage.
- N’empêche qu’il leur donne une nouvelle homogénéité en les articulant.
- « Articuler » c’est composer, avec la même étymologie que le mot « art »
- On est très bons !
- A l’inverse il sélectionne dans les tableaux de ses maîtres des figures qu’il garde comme des refrains : l’effigie de la Peinture de Poussin, et surtout les baigneurs de Cézanne et de Seurat, et même de Piero.
- Et la tête d’Apollinaire blessée, bandée … La bande Velpeau fonctionne comme un ruban de masquage..
- La tête est « caviardée » elle aussi, biffée, niée. Superbe !
- Pourquoi « superbe » ?
- Parce qu’il y a là une image de la tragique difficulté d’être en même temps que la racine du désir majeur d’un créateur tellement jeune, tellement créatif !
- Ça on ne peut pas dire : Buraglio, il ne radote pas ! T’as remarqué ? L’expo consacrée au passé « dans le fonds. » commence par une minuscule et s’achève par un point. Celle consacrée au présent commence par une majuscule et s’achève par des points de suspension : « C’est alors que… »
- C’est vrai. Du nouveau surgit. Certes, il y a désormais la présence d’une figure, la sienne, identifiée par sa cravate. C'est aussi lui qui apparaît. Comme une nouvelle naissance sur la montagne : « Sainte Victoire » ! Victoire sainte. A la place de la croix du Golgotha qui caviardait le ciel.
- Tu crois pas que tu vas un peu loin ?
- Moi, j'te dis qu’il y a de la renaissance dans l’air. Dans l’art.

 

« dans le fonds.»(1966-1997) jusqu’au 30 04

Galerie Jean Fournier, 22, rue du Bac 75007 Paris

http://www.galerie-jeanfournier.com

 « C’est alors que... » (1998-2008) jusqu’au 30 04

Galerie Marwan Hoss 12 rue d'Alger 75001 Paris

http://www.marwanhoss.com/edito.html

 

 

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7 avril 2008 1 07 /04 /avril /2008 19:31
LA RONDE DE NUIT Peter Greenaway

Difficile de faire la critique d'un tel film. Très maîtrisé, volontairement expérimental (rien qu'à la façon artificielle dont jouent les acteurs, on reste un peu interloqué pendant les premières minutes), appuyant sur la beauté des images vraiment magnifiques, ce film peut agacer par sa recherche si évidente de perfection. Pourtant, il y a plus que la recherche d'une composition de plans sans défauts. 

Il y a dans La Ronde de Nuit une réflexion sur la mise en scène.La première scène par exemple trompe le spectateur qui pendant quelques minutes se demande s'il est en train de regarder du théâtre filmé.  Les personnages s'adressent directement à la caméra, on reste parfois surpris du registre utilisé pour interpréter certains sentiments. On est souvent en plan d'ensemble ou large comme assis devant la scène de théâtre.
"All the world's a stage", dit justement un personnage de comédien. Rembrandt se bat contre la comédie et le mensonge des bourgmestres qu'il peint. Pour lui tout est spectacle, prétexte à la peinture. C'est le spectacle que le peintre accuse et c'est le spectacle qui lui fournit son travail. Alors que Rembrandt fige les visages des grands de Hollande, Peter Greenaway redonne vie aux tableaux. Je ne m'étendrai pas sur la métaphore rebattue de la toile du tableau et de l'écran de cinéma.

Rembrandt compose ses tableaux de manière à parler à celui qui le regardera, on le voit choisir les couleurs, les vêtements, les places de ses modèles. La lumière découvre peu à peu une scène, transforme l'espace, modèle une atmosphère. Si on observe bien, on peut remarquer que plusieurs lieux du film sont situés dans le même décor, seulement, il est éclairé différemment, il est utilisé plus ou moins largement.

Ce que cherche Rembrandt, qui craint plus que tout de devenir aveugle, c'est la lumière. Qui éclaire-ton? Comment éclaire-t-on un tableau? Où place-t-on la couleur? Il faut voir cette scène onirique d'ouverture où Rembrandt demande à sa servante de décrire les couleurs à un aveugle pendant qu'elle ouvre les volets de sa chambre. La question est posée : comment ouvre-t-on l'esprit des spectateurs? Comment fait-on naître les émotions par l'image?
Selon l'emplacement et l'utilisation de la lumière, notre perception est différente. Greenaway a bien choisi de traiter un tableau dont le titre contient le mot "nuit". C'est la maîtrise de la lumière qui fait du peintre, du cinéaste, un grand artiste, parce que c'est cette lumière qui montre ce que nous n'avions pas vu, qui invente des mondes et recompose des univers, qui éclaire un personnage sous un angle imperceptible auparavant.
Enfin, c'est cette lumière qui nous montre la vérité (une enquête criminelle est prétexte au film).
Cela vous rappelle-t-il quelque chose?

Charlotte
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4 avril 2008 5 04 /04 /avril /2008 09:46
L’homme qui inventait l’art 2

 

Mick : J'aime bien le verbe « inventer. » Comme on dit « l'inventeur d'un trésor ou d'une grotte » pour celui qui découvre.
Paul : Comme la grotte Chauvet porte le nom de son inventeur ?
- C'est ça. Inventer signifie d'abord «découvrir» et ensuite créer. La création artistique «invente», en réalité. Le travail d'un artiste c'est découvrir ce qui précède et créer du radicalement neuf, souvent dans un même mouvement.
- Mais dire de Buraglio qu'il est en train d'inventer l'art, c'est excessif, non?
- Ecoute, c'est une expression que je n'emploie guère. Pour l'instant, uniquement en parlant d'Ariane Mnouchkine au théâtre et de Buraglio.
- C'est vrai que ses dessins d'après... indiquent comme une découverte de ce qui précède.
- C'est ça. Peu à peu, pas à pas, Pierre Buraglio dessine «sur le motif» comme disait les impressionnistes, sauf que son motif à lui c'est la peinture: Poussin et Ph. De Champaigne, Jean Hélion et Matisse, Cézanne et Piero de la Francesca, Duchamp et les surréalistes, en ne cachant pas son admiration pour Aillaud et Hantaï...
- Mais il les troue. Il découpe des morceaux, il rature. Il caviarde une ligne de Cézanne comme les inscriptions dans son agenda. Pour dire que c'est passé, dépassé?
- Peut-être. Et puis sacraliser c'est souvent embaumer. Ainsi retravaillé, l'art de Poussin, de Cézanne ou de Piero n'est pas momifié, muséifié, mais fécondé.
- Et, en même temps, il recadre et encadre.
- C'est sa renaissance à lui.
- Qu'est-ce que tu veux dire?
- Né en 39, fils d'un architecte, il est devenu peintre. Il a participé activement à l'atelier qui sérigraphie aux Beaux-Arts les affiches de Mai 68. Mais de 69-74 il arrête de peindre et travaille comme rotativiste. Et c'est un militant «gauchiste» En 74, le mythe Buraglio veut qu'il accroche au mur, dans un geste fondateur, une fenêtre récupérée.
- Mais, c'est un ready made, ça?
- Mieux que ça. C'est là, qu'interviennent la Renaissance et le texte fondateur de L.B. Alberti, le «De Pictura»: « Je trace d'abord sur la surface à peindre un quadrilatère de la grandeur que je veux... et qui est pour moi une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l'histoire.» Mais là, ce qu'on voit par la fenêtre réelle, c'est l'espace réel d'exposition et de perception: là où j'observe.
- Ça devient un équivalent du coup de couteau donné dans la toile par Lucio Fontana! Je commence à comprendre où tu veux en venir... En plus, au lieu de prendre ses ready made au BHV, il les récupère dans son atelier: cadres de sérigraphie, rubans de masquage, ses paquets de Gauloises...
- Seulement, au lieu de parler de ready made, il parle simplement de réemploi, ou bien plus modestement encore, il dit «accommoder les restes.» Toujours, une grande économie de moyens. Ce que le pain perdu est à la pâtisserie !

(à suivre)

  « dans le fonds.» (1966-1997) jusqu'au 30 04 Galerie Jean Fournier, 22, rue du Bac 75007 Paris
http://www.galerie-jeanfournier.com

 « C'est alors que... » (1998-2008) jusqu'au 30 04 Galerie Marwan Hoss 12 rue d'Alger 75001 Paris
http://www.marwanhoss.com/edito.html

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25 mars 2008 2 25 /03 /mars /2008 10:15
L’homme qui inventait l’art

 

Paul : T’as l’air songeur ?

Mick : Je pense à l’homme qui invente l’art.

- Arrête ! Tu deviens lyrique…

- Je vais essayer de pas trop baratiner, c’est pas son genre. Mais je crois vraiment que Pierre Buraglio est en train de réinventer l’art. Seul Je ne dis pas qu’il est LE seul. Mais il avance, seul. A côté des modes et des courants. Il assimile tout et redonne tout. A la fois l’art, et l’histoire, le politique et l’éthique, les corps et l’esprit, la nature et la culture…

- Tout ? Qu’est-ce qui te permet de dire ça ?

- Va voir les deux expositions que lui consacrent ses deux galeries historiques à Paris : « dans le fonds.»(1966-1997) à la galerie Jean Fournier et « C’est alors que... » (1998-2008) chez Marwan Hoss, les deux jusqu’au 30 avril.

- J’ai vu. C’est tout de même assez modeste.

- C’est un reproche ? D’une part son travail a la modestie du respect. D’autre part, rien n’empêche nos grandes institutions de lui consacrer une rétrospective retentissante.

- D’accord. Mais j’étais quand même un peu déçu.

- Tu n’avais qu’à aller au grand Palais voir "Marie-Antoinette", c’est très tendance depuis le film de Sofia Coppola. Tu aurais eu ton lot de satisfactions et de voluptés esthétiques… Dans notre culture dominante de consommation et de clinquant si l’art peut aider à retrouver en soi la simplicité dépouillée…

- Tu vas encore me dire que c’est « déceptif » et donc que c’est bien…

- Non. Tout ce qui est décevant et pauvre n’est pas forcément déceptif. Mais une approche chrétienne de l’art ne peut pas ne pas songer à la déception des pèlerins d’Emmaüs : « Nous espérions, nous, qu’il allait racheter Israël… » (Lc.24,21)

- Et alors ?

- Je veux dire que la beauté que nous cherchons n’est pas fabriquée, elle passe par la laideur du Crucifié et l’absence du tombeau : elle se manifeste « à peine » - évanescente – comme le Ressuscité qui, à peine reconnu, disparaît à leurs yeux. (Lc.24,31) Et avec quelle économie de moyens : un peu de pain rompu ! Mais regardons de plus près…

- C’est ça. Et explique toi : en quoi il invente l’art ?

(à suivre)

 

 « dans le fonds.»(1966-1997) jusqu’au 30 04

Galerie Jean Fournier, 22, rue du Bac 75007 Paris

http://www.galerie-jeanfournier.com

Un ensemble d’œuvres réalisées entre 1966 et 1997, appartenant pour l’essentiel au fonds de la galerie. tous les jalons essentiels de l’œuvre.

« C’est alors que... » (1998-2008) jusqu’au 30 04

Galerie Marwan Hoss 12 rue d'Alger 75001 Paris

http://www.marwanhoss.com/edito.html

Parcours depuis 1998, date du début de sa collaboration avec Marwan Hoss. une trentaine d’œuvres : dessins d’après, figures et paysages.

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