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16 avril 2008 3 16 /04 /avril /2008 10:36
L’homme qui inventait l’art 3

Paul : Tu parlais du réemploi...
Mick : Il y a même des petites peintures achetées aux Puces” ou bien trouvées . Laissées pour compte.
- « La pierre qu’on rejeté les bâtisseurs est devenue pierre d’angle… »
- « …c'est là l'œuvre du Seigneur, une merveille à nos yeux » dit le Psaume.
- Et les évangiles y reconnaissent Jésus.
- Oui, on ne peut s’empêcher d’y penser. C’est fréquent – j’ai envie de dire : depuis Schwitters – mais Buraglio construit ainsi du nouveau en « tissant » des fragments anciens. Il n’y a plus de toiles blanches !
- Oui, oui. Tout est palimpseste. Encore un mot savant qu’affectionne l’art contemporain.
- Mais les fragments sont parfois tellement hétérogènes..! Des paquets de gauloises, des plaques émaillées, des tableaux et des rubans de masquage.
- N’empêche qu’il leur donne une nouvelle homogénéité en les articulant.
- « Articuler » c’est composer, avec la même étymologie que le mot « art »
- On est très bons !
- A l’inverse il sélectionne dans les tableaux de ses maîtres des figures qu’il garde comme des refrains : l’effigie de la Peinture de Poussin, et surtout les baigneurs de Cézanne et de Seurat, et même de Piero.
- Et la tête d’Apollinaire blessée, bandée … La bande Velpeau fonctionne comme un ruban de masquage..
- La tête est « caviardée » elle aussi, biffée, niée. Superbe !
- Pourquoi « superbe » ?
- Parce qu’il y a là une image de la tragique difficulté d’être en même temps que la racine du désir majeur d’un créateur tellement jeune, tellement créatif !
- Ça on ne peut pas dire : Buraglio, il ne radote pas ! T’as remarqué ? L’expo consacrée au passé « dans le fonds. » commence par une minuscule et s’achève par un point. Celle consacrée au présent commence par une majuscule et s’achève par des points de suspension : « C’est alors que… »
- C’est vrai. Du nouveau surgit. Certes, il y a désormais la présence d’une figure, la sienne, identifiée par sa cravate. C'est aussi lui qui apparaît. Comme une nouvelle naissance sur la montagne : « Sainte Victoire » ! Victoire sainte. A la place de la croix du Golgotha qui caviardait le ciel.
- Tu crois pas que tu vas un peu loin ?
- Moi, j'te dis qu’il y a de la renaissance dans l’air. Dans l’art.

 

« dans le fonds.»(1966-1997) jusqu’au 30 04

Galerie Jean Fournier, 22, rue du Bac 75007 Paris

http://www.galerie-jeanfournier.com

 « C’est alors que... » (1998-2008) jusqu’au 30 04

Galerie Marwan Hoss 12 rue d'Alger 75001 Paris

http://www.marwanhoss.com/edito.html

 

 

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4 avril 2008 5 04 /04 /avril /2008 09:46
L’homme qui inventait l’art 2

 

Mick : J'aime bien le verbe « inventer. » Comme on dit « l'inventeur d'un trésor ou d'une grotte » pour celui qui découvre.
Paul : Comme la grotte Chauvet porte le nom de son inventeur ?
- C'est ça. Inventer signifie d'abord «découvrir» et ensuite créer. La création artistique «invente», en réalité. Le travail d'un artiste c'est découvrir ce qui précède et créer du radicalement neuf, souvent dans un même mouvement.
- Mais dire de Buraglio qu'il est en train d'inventer l'art, c'est excessif, non?
- Ecoute, c'est une expression que je n'emploie guère. Pour l'instant, uniquement en parlant d'Ariane Mnouchkine au théâtre et de Buraglio.
- C'est vrai que ses dessins d'après... indiquent comme une découverte de ce qui précède.
- C'est ça. Peu à peu, pas à pas, Pierre Buraglio dessine «sur le motif» comme disait les impressionnistes, sauf que son motif à lui c'est la peinture: Poussin et Ph. De Champaigne, Jean Hélion et Matisse, Cézanne et Piero de la Francesca, Duchamp et les surréalistes, en ne cachant pas son admiration pour Aillaud et Hantaï...
- Mais il les troue. Il découpe des morceaux, il rature. Il caviarde une ligne de Cézanne comme les inscriptions dans son agenda. Pour dire que c'est passé, dépassé?
- Peut-être. Et puis sacraliser c'est souvent embaumer. Ainsi retravaillé, l'art de Poussin, de Cézanne ou de Piero n'est pas momifié, muséifié, mais fécondé.
- Et, en même temps, il recadre et encadre.
- C'est sa renaissance à lui.
- Qu'est-ce que tu veux dire?
- Né en 39, fils d'un architecte, il est devenu peintre. Il a participé activement à l'atelier qui sérigraphie aux Beaux-Arts les affiches de Mai 68. Mais de 69-74 il arrête de peindre et travaille comme rotativiste. Et c'est un militant «gauchiste» En 74, le mythe Buraglio veut qu'il accroche au mur, dans un geste fondateur, une fenêtre récupérée.
- Mais, c'est un ready made, ça?
- Mieux que ça. C'est là, qu'interviennent la Renaissance et le texte fondateur de L.B. Alberti, le «De Pictura»: « Je trace d'abord sur la surface à peindre un quadrilatère de la grandeur que je veux... et qui est pour moi une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l'histoire.» Mais là, ce qu'on voit par la fenêtre réelle, c'est l'espace réel d'exposition et de perception: là où j'observe.
- Ça devient un équivalent du coup de couteau donné dans la toile par Lucio Fontana! Je commence à comprendre où tu veux en venir... En plus, au lieu de prendre ses ready made au BHV, il les récupère dans son atelier: cadres de sérigraphie, rubans de masquage, ses paquets de Gauloises...
- Seulement, au lieu de parler de ready made, il parle simplement de réemploi, ou bien plus modestement encore, il dit «accommoder les restes.» Toujours, une grande économie de moyens. Ce que le pain perdu est à la pâtisserie !

(à suivre)

  « dans le fonds.» (1966-1997) jusqu'au 30 04 Galerie Jean Fournier, 22, rue du Bac 75007 Paris
http://www.galerie-jeanfournier.com

 « C'est alors que... » (1998-2008) jusqu'au 30 04 Galerie Marwan Hoss 12 rue d'Alger 75001 Paris
http://www.marwanhoss.com/edito.html

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25 mars 2008 2 25 /03 /mars /2008 10:15
L’homme qui inventait l’art

 

Paul : T’as l’air songeur ?

Mick : Je pense à l’homme qui invente l’art.

- Arrête ! Tu deviens lyrique…

- Je vais essayer de pas trop baratiner, c’est pas son genre. Mais je crois vraiment que Pierre Buraglio est en train de réinventer l’art. Seul Je ne dis pas qu’il est LE seul. Mais il avance, seul. A côté des modes et des courants. Il assimile tout et redonne tout. A la fois l’art, et l’histoire, le politique et l’éthique, les corps et l’esprit, la nature et la culture…

- Tout ? Qu’est-ce qui te permet de dire ça ?

- Va voir les deux expositions que lui consacrent ses deux galeries historiques à Paris : « dans le fonds.»(1966-1997) à la galerie Jean Fournier et « C’est alors que... » (1998-2008) chez Marwan Hoss, les deux jusqu’au 30 avril.

- J’ai vu. C’est tout de même assez modeste.

- C’est un reproche ? D’une part son travail a la modestie du respect. D’autre part, rien n’empêche nos grandes institutions de lui consacrer une rétrospective retentissante.

- D’accord. Mais j’étais quand même un peu déçu.

- Tu n’avais qu’à aller au grand Palais voir "Marie-Antoinette", c’est très tendance depuis le film de Sofia Coppola. Tu aurais eu ton lot de satisfactions et de voluptés esthétiques… Dans notre culture dominante de consommation et de clinquant si l’art peut aider à retrouver en soi la simplicité dépouillée…

- Tu vas encore me dire que c’est « déceptif » et donc que c’est bien…

- Non. Tout ce qui est décevant et pauvre n’est pas forcément déceptif. Mais une approche chrétienne de l’art ne peut pas ne pas songer à la déception des pèlerins d’Emmaüs : « Nous espérions, nous, qu’il allait racheter Israël… » (Lc.24,21)

- Et alors ?

- Je veux dire que la beauté que nous cherchons n’est pas fabriquée, elle passe par la laideur du Crucifié et l’absence du tombeau : elle se manifeste « à peine » - évanescente – comme le Ressuscité qui, à peine reconnu, disparaît à leurs yeux. (Lc.24,31) Et avec quelle économie de moyens : un peu de pain rompu ! Mais regardons de plus près…

- C’est ça. Et explique toi : en quoi il invente l’art ?

(à suivre)

 

 « dans le fonds.»(1966-1997) jusqu’au 30 04

Galerie Jean Fournier, 22, rue du Bac 75007 Paris

http://www.galerie-jeanfournier.com

Un ensemble d’œuvres réalisées entre 1966 et 1997, appartenant pour l’essentiel au fonds de la galerie. tous les jalons essentiels de l’œuvre.

« C’est alors que... » (1998-2008) jusqu’au 30 04

Galerie Marwan Hoss 12 rue d'Alger 75001 Paris

http://www.marwanhoss.com/edito.html

Parcours depuis 1998, date du début de sa collaboration avec Marwan Hoss. une trentaine d’œuvres : dessins d’après, figures et paysages.

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24 novembre 2007 6 24 /11 /novembre /2007 10:51

Déluge de photos

 Paul : Tous les jours je passe dans les coins les plus touristiques de Paris, et c’est fou le nombre de photos prises par minutes ! Mais que vont devenir tous ces clichés : Papy devant la pyramide du Louvre, Takeshi et maman devant l’arc de triomphe, Hortense qui mange une barbe à papa place de la Concorde, etc.

Mick : Oui, le numérique fait exploser la quantité d’images enregistrées et fixées. Là, au moins, il y a de la croissance. Exponentielle !

- C’est peut-être parce que c’est novembre et qu’on prend l’habitude d’en faire le mois de la photo… Snobisme ou exotisme en plus, Paris-Photo et Photoquai en rajoutent une couche. On consomme, on consomme, des photos petites dans nos magazines et nos journaux, et des photos grandes comme des tableaux, dans les rues, sur les quais, et des photos hors de prix dans des cadres… Au secours ! Qu’avons nous fait pour mériter ce déluge ?!

- Ce qui est excessif perd de sa force. Comment dire encore que la photo est un art ?

- Si tout le monde prend des photos, on peut au moins dire que cette pratique renvoie à une expérience partagée. Ce qui devrait qualifier notre regard.

- Evidemment, il n’y a plus besoin de savoir faire, c’est une machine qui fait le travail pénible.

- Oui, mais ça veut dire que la représentation, la mimesis, n’est plus un but de l’art mais son matériau. Et la fonction document de la représentation peut céder la place à la seule présentation ; et la question du sujet à l’esthétique.

- Waouh, dis donc, papy devant la pyramide n’avait pas dû songer à ça.

Paysages désertés.

Qu’est-ce que t’en sais ?! Pour une semaine encore, toi, en tout cas, tu peux y réfléchir en allant boulevard Raspail. Au 261, la Fondation Cartier expose au sous-sol Robert Adams ; en face, au 268, la galerie Camera Obscura expose Michael Kenna.

- Deux anglo-saxons ?

- Un états-unien et un anglais. Des photos en noir et blanc de format modeste, toutes éditées en livres, et pour sujet, des paysages sans figures humaines. Mais deux univers quasi diamétralement opposés.

- En quoi ?

- Il faut regarder de près. Robert Adams présente des photos rectangulaires sur papier brillant. Des photos pauvres, sans affèterie, des enregistrements, des constats. C’est le sujet qui compte, je dirais même plus c’est l’idée qui importe. D’un côté…

- Tu oublies de dire que l’expo s’intitule « On the edge »

- Oui. Sur la côte Ouest des Etats-Unis, en regardant vers l’Est, Adams photographie la déforestation : une forêt détruite par la technique de la « coupe claire. »

- C’est plus un paysage sans figures, c’est un paysage défiguré !

- En regardant vers l’Ouest…

- Un nouveau Far West ?

- Eh oui, c’est leur mythe. Là, c’est l’océan, sublime, intact (Faudrait vérifier…)

- C’est très manichéen. Face à la nature vierge de l’océan, l’enfer d’une humanité qui détruit son environnement. Le propos se voudrait politique, ça paraît surtout prêchi prêcha : on dirait du Michael Moore !

- Attends un peu. On va traverser le boulevard et entrer dans la galerie Camera Obscura pour regarder le travail de Michael Kenna. Mêmes sujets, des paysages sans figures humaines, mêmes photos noir et blanc, mais de format carré, sur un papier satiné, on dirait « velouté » Et cette fois la trace d’humanité, c’est souvent l’architecture. Chez Michael Kenna, l’homme construit…

- Comme chez Adams, il détruit.

- Et, là, l’expo s’intitule : « Spiritual places. » Pendant une quinzaine d’années, Kenna a photographié le Mont Saint Michel, par tous les temps, sous tous les angles, à toutes les heures, reflété dans une flaque, estompé par le brouillard…

Et tu comprends que ce n’est pas des photos souvenirs… Y a pas Hortense en train de manger sa barbe à papa. Non, je rigole..! Tu n’as pas dit qu’au sous-sol il y a aussi des photos prises à Hokkaido ou sur l’île de Pâque.

- Et toujours le format carré, une forme primaire universelle, emblématique de la terre, qui extrait de la narration et de la description, des rythmes essentiels, des sensations riches d’ambiguïtés.

- Qu’est-ce que tu-veux dire ?

- Tel paysage ressemble au ventre d’une femme, tels piquets émergeant de la neige à des notes de musique sur une portée… Tout, sauf anecdotique.

- Alors, si j’ai bien compris on a d’un côté du boulevard l’esthétique et la noble contemplation de Kenna, de l’autre la politique et le trivial débat éthique d'Adams..?

Divertissement/avertissement

- Sauf que, mon grand, le débat éthique émet un avertissement qui ne manque pas de noblesse et que l’esthétisme peut virer au divertissement ornemental pour chambre de petite fille. On va éviter de tomber à notre tour dans le manichéisme. Le refus d’esthétisme de Robert Adams se justifie, il représente une certaine ascèse dans sa manière de photographier. Quant aux belles images de Kenna, c’est quand elles effleurent l’abstraction qu’à mon goût, elles ouvrent réellement – mais en nous – une « spiritual place » ! 

● Michael Kenna « Spiritual places »Jusqu’au 1 décembre 2007 à la Galerie CAMERA OBSCURA

268, boulevard Raspail 75014 Paris Tél : + 33 1 4545 6708 http://www.galeriecameraobscura.fr/

 

Robert Adams « On the edge » Jusqu’au 27 janvier 2008 à la Fondation Cartier

261 boulevard Raspail 75001 Paris http://fondation.cartier.com/main.php?lang=1&small=0

 

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20 octobre 2007 6 20 /10 /octobre /2007 12:03
Décoratif, Orozco ?

Paul : Je sais pas si ça te fait ça, mais il y a des artistes dont tu retiens une œuvre. Parfois une autre, un autre jour. Et puis on se perd de vue. Les circonstances, sa créativité, nos emplois du temps… C'est le cas pour moi de Gabriel Orozco. J'avais reçu sa célèbre DS  en pleine mémoire. Bing, c'était à la 4ème biennale de Lyon. En 1997 ! Spectaculaire !

Mick : Qu'est-ce que c'était ?
- Imagine la DS Citroën coupée en trois morceaux dans le sens de la longueur, on retire le morceau du milieu et on recolle les deux côtés. Donc une voiture très étroite avec un volant au milieu ! Plus symétrique qu'avant mais inutilisable. Un truc incroyable. Un objet, impossible, impensable… et dont la fabrication a demandé un soin très particulier, des interventions d'un bon niveau technique, un machin inutile et qui laisse songeur.
 
- Tiens, mais ça pourrait s'appeler une œuvre d'art. 
- Oui, mais une "œuvre d'art" n'est pas nécessairement un chef d'œuvre : on attend d'une œuvre d'art autre chose qu'un truc inoubliable.
- D'accord. On aimerait que ça produise en nous autre chose qu'un petit sourire 
- Cela dit, j'ai retenu le nom de Gabriel Orozco. Il est né au Mexique en 1962 
- Et aujourd'hui ?
- Eh bien, tout a changé. Ou presque… Dix ans plus tard, le côté spectaculaire s'est évanoui. Ce qu'il montre, c'est presque rien. Très peu de choses. Des petits formats. De la peinture sur du papier. De la peinture sans pinceau. Comme une tache mais avec des symétries. Plusieurs symétries. On voit bien que la feuille de papier a été pliée. Même sur les bords, comme pour enfermer.
- C'est le test de Rorschach ?
- Oui mon coco, mais on est dans une galerie, les œuvres sont encadrées, sous verre. Du coup, ici, tu n'es ni spectateur, ni patient d'un psy.
- Je suis sûr que tu as quand même interprété.
- Evidemment, et forcément en me projetant. J'ai vu des figures, j'ai cru pouvoir nommer. J'ai cru reconnaître des corps, des replis de peau, des plis de chair, ça évoque des bras, des cuisses, des sexes masculins et féminins. Ça te rappelle que nos corps sont fait de symétries. Mais seulement quelques formes vraiment évocatrices. D'autres formes ont la simplicité originelle des dessins tantriques, emblèmes très purs de l'infini, de l'œuf primordial. Des peintures dont les reflets reçoivent onctions de parfum, d'huiles et d'eau lustrale. Des objets pour les rites, non des œuvres d'art… Ce qu'étaient nos retables, autrefois.
- Je t’écoute, je t’écoute, mais moi aussi, je l’ai vue. J'ai trouvé que c'était décoratif comme un motif de papier peint. Rien de plus. Assez décevant.
- Mais tu n'as pas vu, par endroit la peinture épaisse faire des petites vagues, à d'autres elle paraît diluée, très fine. Ce n'est pas plat comme du papier peint. En fait, on a comme l'enregistrement de la performance, ce qu'est toute œuvre d'art, même si elle cherche à effacer toutes traces… Et puis Orozco décrit le processus, le rite de fabrication : au commencement, une goutte de peinture sur une feuille de papier et « Lorsque la feuille est pliée comme une enveloppe, il s’agit d’un objet, mais lorsqu’elle est dépliée, elle devient une image. Il y a comme un mouvement circulaire entre un objet et une image cachée dans les plis de la matière.»
- Ah ce qui se cache dans les plis..! Je préfère Simon Hantaï pour le montrer; et pour en parler : Gilles Deleuze ( Le pli, collection Critique, Editions de minuit, 1988) Nous même vivons dans ce repli de l'espace qui met face à nous le monde dont nous vivons, comme nous appartenons à la voie lactée que nous voyons au ciel. Les plis de la matière manifestent en image les replis de l'âme, de la conscience…

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9 octobre 2007 2 09 /10 /octobre /2007 19:45

Nuit Blanche 07


Paul : Bon, la Nuit Blanche, on connaît. Tout le monde est content : « un public plus nombreux au contact de l’art contemporain. » Vive la démocratisation de l’art ! Bravo !

Mick : Et ce coup-ci avec l’exploit des Bleus contre les All Blacks, c’était vraiment la fête !

- La bière a coulé à flots. Mais, pour rencontrer ce public, il semble que la Nuit Blanche encourage plutôt une production de consommation rapide – on a envie de dire de « fast works » – plutôt ludique et spectaculaire, forcément éphémère, proche des attractions de fête foraine.

- Rabat joie. Y a des artistes qui s'en tirent bien, au mieux avec le charme d'un peu de poésie, sinon d'un peu de magie, plus souvent avec de l'humour. Et c'est bien. Non ?

- M’enfin, les chrétiens attendent autre chose de l'art !!

- Te fâche pas…

- Pour les chrétiens, « l'art est, par nature, une sorte d'appel au Mystère » a écrit Jean-Paul II.

- Tu veux quand même pas un art « prise de tête » réservé à une petite élite intello..?

- Par le Christ, l’élection d’une élite – le peuple élu - a pris une dimension universelle : pour un disciple du Christ, l’élite c’est tout le monde, le peuple élu c’est la multitude des hommes ; on est tous le ou la préféré(e) de Dieu. Mais on ne peut en jouir et s’en réjouir que par la grâce d’une conversion radicale.

- Faut être chrétien pour aimer l’art ?

- Fais pas l’idiot. Je veux dire que si l’art, l’art authentique, l’art vraiment créatif « a une profonde affinité avec le monde de la foi » il est à la fois exigeant et populaire. Il suscite, il appelle une conversion du regard, un renouvellement total de notre rapport au monde et à Dieu : il est à la fois accessible à tous et radical.

- Et alors, qu’est-ce que t’as vu d’important, qui soit à ce niveau ?

- Dans l’entrebâillement du portail de Saint-Roch, un monstre scintillant, discret, comme s’il se cachait. « Pan » de Vincent Beaurin.

- Mais Pan, c’est un Dieu païen !

- T’aurais préféré Béhémoth ou Léviathan, les monstres de la Bible ? (Ps. 74,14). Les gargouilles de Notre-Dame, les figures grotesques de pierre des modillons de nos églises, tu crois qu’elles sont très catholiques ?

- Je me dis que ces monstres renvoient toujours au monstre que nous sommes souvent à nos yeux.

- Oui. Et Le Christ lui-même a endossé sur la croix toutes nos monstruosités. Il dit le Psaume 22, celui qui commence par « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné » et se poursuit : « Moi-même, je suis un ver, pas un homme, la flétrissure de l’humain, le rebut du peuple. »

- Moi, à Saint-Eustache j’ai vu quelque chose de très beau, très humble. Juste des chaussures usagées recouvertes par un tapis, entre deux tapis plus petits.  Je me demandais si le tapis cachait les chaussures vides de pieds comme des traces honteuses d’un massacre, voire d’un génocide ; ou s’il les recouvrait avec tendresse, avec douceur…

- Et puis, nos frères musulmans retirent leurs chaussures pour prier sur des tapis…

- Oui, ça pouvait avoir la douceur d’une prière sur la mémoire, je ne sais pas, par exemple du massacre de Sabra et Chatila aussi bien que de la Shoah. Mais je vais peut-être trop loin..? L’artiste, Lydia Dambassina,  est née en Grèce d’une famille immigrée de Turquie. Ce doit être irrigué d’une autre culture.

 Copie-de-VB--Nuit-Blanche-07.JPG

Lydia Dambassina : www.koroneougallery.com

Vincent Beaurin : http://www.fredericgiroux.com/fr

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6 septembre 2007 4 06 /09 /septembre /2007 11:11

 

Matière à penser.

 Paul : Avant la rentrée, je suis retourné faire un tour sur quelques expos.
Mick : C’est marrant, moi aussi.
-          Pas forcément les plus importantes, mais celles qui m’ont le plus touché.
-          Et alors ? Qu’est-ce que t’as vu ? 
 -          D’abord, presque rien, un raté, une micro- allusion à l’œuvre d’un grand.
-          Toni Grand ?
-          Oui, à l’atelier Brancusi. C’est dingue que ce phénomène, dont la force réside dans une vraie humilité devant le matériau et ses formes soit ramené à si peu, alors qu’il mériterait bien une grande rétrospective.
 -          Deux sculptures en bois, et quelques dessins-collages, heureusement, magnifiques. Ensuite, moi, je suis monté revoir Les messagers d’Annette Messager, et encore une fois je suis resté scotché devant – je devrais dire « autour » de - Dépendance-indépendance (1995-96) . Comment peut-on encore parler de l’amour avec autant de justesse !?
-          Et de nos fragilités avec autant de pudeur et d’impudeur. T’as remarqué comment on passe peu à peu des grimaces enfantines et des laines rouges et bleus aux fils et filets noirs…
-          …et à ces mots si durs et si molletonnés de tissu fantaisie : Protection, Honte, Oubli, Confusion, Mépris… Oui. Mais j’aime aussi comment elle sculpte l’air, le souffle, de plus en plus.
-          On comprend que Casino (2005) ait reçu le prix de la Biennale de Venise.
-          Au musée Rodin, j’ai retrouvé un vieux monsieur que j’admire depuis des années.
-          Tu passes de l’étoffe et de la peluche à la pierre ! Dis donc, tu ne t’es pas fait mal ?
-          Non, Eugène Dodeigne, donne tellement de vie à cette pierre de Soignies : de la pierre vive ! Ces masses donnent à sentir le travail colossal qui les a fait naître en même temps qu’une grâce…
-          C’est normal, il s’inspire de la danse…
-          D’accord, mais faire danser des blocs de pierre..!
-          Moi, je suis retourné à la nouvelle galerie des Gobelins : tout le rez-de-chaussée est consacré à la réalisation de cartons dus à des artistes contemporains : Philippe Cognée, Pierre Buraglio, Carole Benzaken, etc. C’est étonnant de voir leur peinture interprétée en tapisserie.
-          Le tapis rond d’après les feuilles d’aucuba de Marc Couturier, j’aimerais le mettre sous un autel, comme un signe de correspondance entre terre et ciel. Mais j’aimerais aussi mettre côte à côte la tapisserie et le vitrail tirés du Chêne de Mambré de Buraglio.
-          S’ils perdent du brillant, ils gagnent en profondeur.
-          Non, c’est autre chose. On voudrait caresser ces œuvres…
-          …et ce sont elles qui nous touchent. C’est pas très conceptuel tout ça.
-          Je suis retourné à la Manufacture de Sèvres : des créateurs travaillent aussi avec la céramique. Mais on en reparlera.
-          Le bois de Toni Grand, les tissus et peluches d’Annette Messager, la pierre de Dodeigne, la laine des tapisseries, la céramique… C’est l’art et la matière, plus que l’art et la manière !

Annette Messager, jusqu’au 17 septembre :
http://www.cnac-gp.fr/Pompidou/Manifs.nsf/AllExpositions/28502FAD456429F8C125723D00304F6A?OpenDocument&sessionM=2.2.1&L=1

Eugène Dodeigne jusqu’au 15 octobre :
http://www.evene.fr/culture/agenda/eugene-dodeigne-18480.php
Toni Grand à l’atelier Brancusi, jusqu’au 22 octobre :
http://www.cnac-gp.fr/Pompidou/Manifs.nsf/AllExpositions/B06D023270E8CF70C12572B3004A78E5?OpenDocument&sessionM=2.2.1&L=1

Galerie des Gobelins :
http://www.mobiliernational.culture.gouv.fr/ 
Copie-de-La-ballade-de-Pinocchio----Beaubourg--2007-dont-L-enclos-du-Pantin--traversins--moteur--poulie--corde--bois--.JPG

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25 août 2007 6 25 /08 /août /2007 19:23

Y a pas photo.

Paul : Salut ! Tu t’intéresses à la photo, toi ?
Mick : Oui. Il y a même des expos qui m’ont vraiment marqué. Je me rappelle ma découverte de Lorca di Corcia, Xavier Zimmerman ou Rineke Dijkstra… Il y a même le souvenir d’une seule photo de J-Louis Garnell qui me poursuit : « La nuit. » Elle doit dater de 1989 ou 90 !
- Pour quelqu’un qui voudrait un panorama large de la photo en ce moment, il faut aller à la Maison Européenne de la Photographie. Il y a surtout au sous-sol un dialogue avec l’art contemporain, et dans les étages « Italie, Doubles visions. » Sur dix thèmes, deux photographes côte à côte. C’est saisissant. Je retiens, sur «  la plage, »  le contraste entre les couleurs saturés des clichés ironiques de Martin Parr et les larges surexpositions neutralisées de Massimo Vitali.
- Ah oui, les grandes plages blanches ?
- C’est ça. Mais tout est d’un très haut niveau : Cartier-Bresson, Salgado, William Klein, Depardon…
- Tu ne dis rien de l’étage consacré à Charles Matton ?
- J’ai été un des spectateurs enthousiastes de son film « L’italien des Roses » mais la séduction de ses boîtes de décor me fait trop penser à des attractions de fête foraine. C’est très réussi techniquement, mais le changement d’échelle et l’hyper réalisme ne me suffisent pas…
- Moi, j’aime beaucoup, c'est magique ! Et à la Maison rouge, tu y es allé ? Il y a Varini et van Caeckenbergh ?
- Ouais. Mais à propose de mattons, j’ai pas eu le temps de voir parce que y a surtout une performance vraiment flippante ?
- J'vois pas le rapport !
- Attends. T’as quatre vigiles baraqués, habillés en noir, bras croisés sur la poitrine et qui te suivent du regard. T’as l’impression de rentrer en prison sous le regard des mattons. J’en ai entendu un grogner « Pas toucher !»
- Non ?! C’est de qui ?
- Je crois que c’est une production maison. Et ça doit être permanent.
- Ça leur arrive de cogner ?
- J’sais pas. Et je ne suis pas près de le savoir.
- Pourquoi ?
- Ben, j’suis pas près d’y retourner.
- Tu le regretteras, il y a souvent des expos fortes...

 

C'est jusqu'au 30 septembre : http://www.mep-fr.org/expo_1.htm
Et pour savoir si les vigiles cognent : http://www.lamaisonrouge.org/mrfr.html

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13 juillet 2007 5 13 /07 /juillet /2007 11:31

 


La Marque Noire

Mick : J’sais pas comment je suis fait mais par moment j’aime bien me prendre des baffes !
Paul : Ben, ça se soigne, mon vieux ! 
- Non, je n’ai même pas envie de me soigner. Il y a des fois plus t’es mal à l’aise et moins tu comprends et plus t’es heureux… J’ai besoin d’un art radical qui réveille des morceaux de sensibilité habituellement assoupis.
- Pourquoi tu me racontes ça ?
- Je reviens de la rétrospective de Steven Parrino au Palais de Tokyo : La Marque Noire.
- Ah oui ?! Moi, j’ai juste fait un tour et je suis sorti. Faut que tu m’expliques !
- J’ai besoin d’une accroche. Je sais bien qu’une exposition c’est un tout organisé mais c’est par l’expérience d’une œuvre que j’entre ou non dans une expo.
- Et là ?
- Là, c’est Romulus et Remus qui m’a arrêté. (cf cliché) Sinon, peut-être que comme toi, je serais ressorti rapidement.
- Oui, je me souviens. En gros, ce n’est jamais qu’une sculpture sur un socle.
- Oui, un socle qui te met les deux éléments pile à hauteur des yeux…
- …à condition de mesurer au moins 1,80m.
- O.K. sinon tu rates le jeu de reflets dans le miroir qui couvre le socle. Mais, tu as raison, c’est peut-être finalement, tout simplement la forme traditionnelle d’une statue sur son socle qui m’a arrêté.
- Bon. Et après ?
- La question du double. On a deux éléments face à face…
- J’ai pas vu de face !
- Très drôle. N’empêche que ces deux éléments, constitués du même matériau, semblables sans être identiques, paraissent déjà en reflet l’un de l’autre. Ils sont en relation de ressemblance. Et posés sur un miroir, leur exact reflet à chacun les déforme et les transforme.
- Et alors ?
- Ces plans pliés selon une ligne brisée deviennent volumes clos et se ressemblent davantage encore par la symétrie que le miroir leur confère.
- Le matériau m’a paru résolument nouveau, connoté « haute technologie », aviation ou construction à contraintes extrêmes. On hésite entre plastique et métallique.
- La pliure fait plus ou moins penser à un accident.
- D’accord, mais le reste ?
- J’avais déjà vu ses « monochromes froissés » on est plus dans un discours sur l’art, mais on retrouve ce côté « accidenté » les œuvres sur bois sont cassées, la toile de Crowbar 1987 est déchirée, et c’est un « pied-de-biche » qui a été utilisé, abandonné là. La perfection des monochromes blessée par effraction, par accident, bousillée, fracassée… Comme si Clement Greenberg se prendrait une volée par des voyous du Bronx, ou quelque chose comme ça.
- L’art qui fréquente les voyous comme Jésus à la table des pécheurs… C’est ça que tu  veux dire ?
- Oui, un peu. Notre art est tellement sacré qu’il est aseptisé. Parrino c’est l’art de la contre culture et de la sous culture états-uniennes. Et, curieusement, ça élève.

Steven Parrino, Retrospective Prospective, jusqu’au 26 août
Palais de Tokyo, midi-minuit (sauf lundi)

http://www.palaisdetokyo.com/parrino/programme.php 

 

 

 

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11 juillet 2007 3 11 /07 /juillet /2007 18:32

Expo dérivée.

Paul : C’est l’été.
Mick : Ah bon ?!
-                On se met à l’abri où on peut. Place de la Madeleine, il y a maintenant la Pinacothèque de Paris. Tout nouveau tout beau !
-                T’imagines le prix du mètre carré… enfin, c’est une banque qui offre. Ici, art privé. De luxe.
-                Enfin, toi tu payeras 8 €, deux de moins qu’au Luxembourg. Tout le style chic de Marc Restellini, le maître des lieux qui veut permettre au  « grand public » de « s’approprier l’héritage culturel sans complexe ».
-                Tiens, lui aussi ! Décidément c’est à la mode le luxe décomplexé !
-                 Je ne comprends pas tes allusions mesquines. Huit euros, c’est le tarif habituel.
-                A condition de ne pas se laisser tenter par les produits dérivés.
-                Par exemple un parapluie estampillé « Pinacothèque de Paris » à la boutique qui a droit aux vitrines du rez-de-chaussée.
-                Eh ! Faut bien vivre…
-                L’expo, elle, est cachée au sous sol sur une surface tarabiscotée un peu plus grande que la boutique : comme si les oeuvres prenaient la place des produits dérivés..!
-                Ça tombe bien, remarque, c’est Roy Lichtenstein qui est exposé.
-                N’exagère pas. Je sais bien que tu ne jures que par l’expressionnisme abstrait…
-                Je préfère parler d’abstraction lyrique. Un jour je t’emmènerai prendre du temps avec des « Tilleuls » de Joan Mitchell.
-                O.K, mais c’est pas une raison pour jeter tout le Pop art en vrac. On se prend tout de même un petit cours d’histoire de l’art, et c’est bon de voir le combat entre les trames adhésives, le dessin clair et les figures qui creusent l’illusion. La rivalité théorique avec Picasso, et Matisse…
-                Pour être honnête, je dois reconnaître que j’ai découvert une profondeur inattendue chez ce grand superficiel. J'ai même noté, écoute ça : "L'importance de l'art n'a rien à voir avec celle du sujet; l'unité de la composition et l'inventivité sont ce qui importe vraiment." Exit les thèmes religieux, par exemple !
- Ben, c'est ce que disait Jean-Paul II, ce qui importe vraiment dans l'art, c'est l'art.

 Roy Lichtenstein, Evolution. Pinacothèque de Paris, 28 place de la Madeleine 01 42 68 02 01 http://www.pinacotheque.com/index.fr.html 

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