Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 novembre 2009 1 02 /11 /novembre /2009 10:53

"DEADLINE" (suite et fin)

Felix Gonzales-Torres “Untitled” (Vultures) 1994. Quatorze photographies argentiques
© The Felix Gonzales-Torres Foundation/courtesy of Andrea Rosen. Photo : Oren Slor


Paul : Qu’est-ce qu’on voit ?

Mick : Juste trois remarques. 1) Formellement on est frappé par l’envahissement d’une seule couleur : l’or de James Lee Byars, et surtout le blanc !

- Evidemment, c’est la couleur des murs !

- Je veux parler des marbres photographiés par Mapplethorpe, de l’albâtre utilisé par Chen Zhen, et surtout de la cabane d’Absalon et de ses vidéos soi disant « en couleurs » ! Mais aussi des tableaux de Joan Mitchell et De Kooning.

- Forcément, ils n’ont plus la force de couvrir la toile !

- Même la transparence : je pense aux sculptures en cristal de Chen Zhen, aux ciels, peints par Gilles Aillaux ou photographiés par Félix Gonzales Torres. On assiste à l’envahissement de l’immense.

- Tu veux dire « du vide ».

- Et puis, deuxièmement, quand on a passé sa vie à en chercher le sens, à quelques mois de sa mort-annoncée l’œuvre manifeste l’urgence. On va à l’essentiel. Avec radicalité. Directement, rapidement. Et ça se sent.

- A quoi ?

- Les hurlements d’Absalon, l’obsession de Kippenberger pour les rescapés de la Méduse de Géricault, l’ivresse des gestes fulgurants de Hartung…

- Mais la proximité de la mort ne donne pas le génie. Pire, elle révèle de sacrées faiblesses.

- T’as raison. Elle peut même susciter des surcompensations… naïves, souvent quantitatives : multiplication des assistants pour Hartung, Immendorf et De Kooning. Multiplication de la production pour Hans Hartung qui a peint plus de 600 toiles les trois dernières années de sa vie. Le centre de l’exposition est occupé par sa production en une seule journée, le 4 juillet 1989, l’année de sa mort : 7 toiles dont cinq de grands formats.

- Et la démesure mégalo, pharaonique de James Lee Byars…

- Oui, on peut parler aussi de crudité, de la lucidité cruelle d’un Absalon, d’un Mapplethorpe. Bref, des faiblesses.

- Donc ce sont des œuvres faibles ?

- On est sur le fil. Ce sont des faiblesses tout simplement humaines. J’ai été ému par certaines œuvres dont je me sens proche, intimement. Une forme d’empathie…

- Si c’est pour se noyer dans le pathos !

- Non, le propos artistique ne se dilue pas forcément dans l’émotion. Et tu dois garder ton exigence esthétique. Et puis chacun a sa manière, son style propre. C’est une réussite de la scénographie très simple et très sobre, extrêmement respectueuse des œuvres et des visiteurs. Bravo Odile Burlureaux, commissaire de l’exposition.

- J’insiste, l’émotion ne suffit pas, elle doit m’entraîner au-delà de ce que je connais déjà. Est-ce que ces œuvres dépassent le simple stade du symptôme (de la maladie, de la mort) ?

- Oui. Il y a des œuvres puissantes. L’extrême faiblesse dont elles émanent peut se muer en force et nourrir la créativité. J’ai aimé les ciels de Gonzales Torres… dans lesquels volent, lointains, très haut, des oiseaux. Le cartel m’apprend que ce sont… des vautours.

- Marrant, tu ne dis rien d’Immendorf ou de Villiger.

- On ne se refait pas, j’ai surtout admiré les derniers De Kooning. On le disait atteint de la maladie d’Alzheimer : est-ce une raison pour dédaigner la simplicité, la délicatesse, de ses derniers tableaux ? Et les six dernières œuvres de Joan Mitchell ! Une se distingue, sans l’élégance ni la grâce des autres. Elle juxtapose et superpose de larges traces bleu profond, mauves et orangées, toutes nimbées de ce blanc éblouissant de la toile. Est-ce l’œuvre ultime ? Elle seule porte un titre.

- C’est ?

- « Merci »

 

« DEADLINE » Musée d’Art moderne de la Ville de Paris

11 avenue du Président Wilson - 75116 Paris Tél. 01 53 67 40 00

Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h Nocturne le jeudi jusqu’à 22h

Partager cet article
Repost0

commentaires