18 février 2011, fête du Bx Fra Angelico :
introduction et homélie du père Brière
Intro :
Nous sommes riches ici de quelques différences :
Différence de génération, différence d’implication dans le monde de l’art, différence d’implication dans la foi chrétienne.
Ce qui nous réunit c’est une confiance en l’Esprit à l’œuvre dans l’art authentique. Pour les chrétiens, le spirituel dans l’art contemporain c’est Dieu l’Esprit saint qui avec le Père et le Fils, reçoit même adoration et même gloire.
Ce qui nous réunit aujourd’hui c’est aussi une reconnaissance particulière de cette action de Dieu l’Esprit Saint dans l’œuvre et la vie du Bx Fra Angelico, proposé par l’Eglise comme modèle à tous les artistes. Quant à la relation que nous pouvons entretenir avec ses œuvres elle se propose au monde de l’art comme paradigme de toute expérience esthétique.
Nous voulons nous réjouir ensemble de cette action de l’Esprit dans l’art : celui du Bx Fra Angelico comme en toute œuvre d’art authentique.
HOMELIE
Nous disions au début de cette célébration que c’est un acte de confiance en l’Esprit à l’œuvre qui nous réunit ce soir. Mais cet acte de confiance en l’Esprit à l’œuvre, comment en vivre ?
L’Evangile de Matthieu répond : « Tout arbre bon fait de beaux fruits, tandis que l'arbre gâté produit de mauvais fruits. Ainsi donc, c'est à leurs fruits que vous reconnaîtrez les bons arbres. Ce n'est pas en disant : “Seigneur, Seigneur”, qu'on connaîtra le règne de Dieu, mais c'est en faisant sa volonté. »
On se doutait bien que dire « Seigneur, seigneur ! » n’était pas un bon moyen de connaître Dieu, mais en même temps : comment faire la volonté de Dieu sans asservir la liberté artistique ? Faire la volonté de Dieu c’est se soumettre.
- Au cours de l’histoire, lorsque l’Eglise représentait un pouvoir considérable en Europe, elle a cru devoir soumettre les artistes à des contraintes voire à des interdits, à des injonctions voire à des ordres. Outre le fait que les artistes les plus créatifs ont su répondre à ces commandes en contournant les contraintes ou en s’en servant de tremplin, l’Eglise a reconnu au XX° siècle s’être fourvoyé. La première repentance d’un pape est sans doute celle de Paul VI en 1964 devant les artistes réunis par lui à la chapelle Sixtine : je le cite « Nous vous avons parfois imposé une chape de plomb, on peut bien le dire; veuillez nous le pardonner !» Un pape qui demande pardon aux artistes !
Faire la volonté de Dieu ce n’est donc pas d’abord se soumettre à la hiérarchie ecclésiastique. Pour nombre d’artistes et d’amoureux de l’art authentique, c’est par une intuition cultivée que la volonté de Dieu se donne à connaître. Car Dieu l’Esprit habite au-dedans de nous comme l’écrivait Paul aux Romains par deux fois : « l'Esprit de Dieu habite en vous. » L’Esprit de Dieu demeure au cœur. C’est par cette "voi" de l’intériorité éclairée par l’Ecriture sainte et le dialogue que nous discernons la volonté de Dieu l’Esprit saint.
On peut écrire voix avec un x, la voix qu’on écoute dans le silence de l’atelier, de la solitude et de la quête esthétique du Sens ; mais on peut aussi écrire voie avec un e, la voie où l’on chemine, le Tao de la sagesse orientale comme ce nom que se donne le Christ : je suis la voie, la vérité et la vie.
Faire la volonté de Dieu c’est s’abandonner le plus librement possible à cette voie intérieure : ainsi nous serons de bons arbres qui produisons de bons fruits que les hommes savent goûter. Que les hommes voient nos œuvres et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. »
Cet acte de confiance en l’Esprit à l’œuvre comment en vivre ?
L’Evangile de Matthieu répond : « Amassez-vous des trésors dans le ciel : car où est ton trésor, là sera aussi ton cœur. » Quels trésors célestes, trésors infinis, trésors impalpables, trésors spirituels cherchons nous à amasser ? Si là où est mon trésor, là sera aussi mon cœur, alors là aussi sera cette voie de l’intériorité, cette voix de l’Esprit. Chercher à amasser des trésors palpables encombre la voie de l’intériorité, la voie du cœur. On ne peut servir Dieu et Mammon, c'est-à-dire l’argent. Ceux qui ont écrit la première épitaphe sur la tombe de Fra Angelico le savaient bien. Ils ont fait dire au bienheureux peintre dominicain : « Pas à moi la louange, pour avoir été un autre Apelle, mais pour avoir donné, ô Christ, tout mon gain aux tiens. Une part de mon œuvre s'élève sur la terre, l'autre au ciel, etc. »
Pour terminer, juste un petit fait. Cette semaine un jeune a été déposer, abandonner, de nuit quelques uns de ses dessins à la porte d’un couvent dominicain, simplement parce qu’il pensait que c’en était le lieu. Un tel geste s’offre comme un cadeau à la mémoire du Bienheureux.
Réjouissons-nous ! Il s’amasse des trésors dans le ciel. La voie n’est pas encombrée.
Réjouissons-nous. L’Esprit demeure à l’œuvre, nous en sommes témoins !